LA SOLITUDE
- t’attends qu’il te fracasse la tête pour partir ? elle lui avait répondu.
Il recevait plein de sms, et je lui ai demandé qui s’était, il n’a pas voulu me répondre.
Alors je me suis énervée, je lui ai expliqué que moi, j’avais besoin d’être rassurée, il a rien voulu savoir, on s’est énervé je lui ai couru après, et il m’a poussé violemment, je suis tombé, mon dos s’est cogné contre l’angle du bâtiment, ma tête aussi, j’ai eu peur, très peur, j’étais toute égratignée.
J’ai pleuré, haleté ; tout s’écroulait.
Pendant deux semaines, j’avais l’essentiel dans ma voiture, fringues, ordi pour écrire mon mémoire, et ma chienne.
J’ai été hébergé chez un ami au petit mas, là haut sur une des collines, l’été était anesthésiant, j’étais ko, entre ma formation et mes pleurs qui m’épuisaient, et le stress du choc.
Alors elle m’a proposé les clefs d’un de ses ami qui était en festival, « il revient pas avant longtemps, tu peux aller chez lui ».
C’était un appart très sombre, sale, la vaisselle accueillait nombre de champignons, les draps étaient sales, les cendriers plein, ça puait.
Après avoir cleané au maximum, installé l’ordi, changé les draps, j’étais chez moi, enfin chez cet inconnu bien accueillant.
Je me suis calmée, je cherchais un petit studio, je continuais à associer mes notes pour créer la trame et nourrir toutes ces parties.
Et puis, elle m’a appelé, « il revient tout à l’heure ». L’inconnu revenait, j’ai avançé ma voiture, et tout chargé à nouveau. Quelques heures plus tard, nous nous retrouvions, il m’a fait peur, un mec barbu, tout burriné par le soleil et l’alcool, que j’ai trouvé beau.
Il repartait, et je pouvais rester chez lui.
Quelques jours plus tard, je signais pour un studio minuscule, mais blanc et lumineux, avec un petit étage pour garder un espace pour mon matelas et un pour mon chien; c’était précaire mais j’étais chez moi.
Ma formation se terminait dans quelques jours, j’avais le mémoire à rendre et plus rien.
Seule.
Quelques jours plus tard, j’étais rmiste. La misère. Mais j’avais un toit, et deux jours dans le mois avec de l’argent : payer le loyer, le portable, l’assurance voiture, faire le plein, les courses, surtout les croquettes pour ma chienne, et mon tabac et puis plus rien.
Je cherchais du boulot, avec mon diplôme, dix heures payés 20 euros, en enlevant les frais de carburant, une misère.
Alors, je ne pouvais pas subir, tous les samedis, j’allais aux puces, je préparais le thé et les crêpes et c’est parti ! Vente dans mon panier pour la discrétion, et directement aux vendeurs, avec pour argument : « vous ne pouvez vous déplacer jusqu’au camion, alors moi je viens à vous ».
Et puis, un jour, il est revenu et m’a appelé, « je suis revenu »
Ça m’a étonné, je me suis dit, mais pourquoi m’appelle-t-il, moi ?
Je l’ai invité à passer, il est venu, je suis allé chez lui plusieurs fois, comme ça.
C’était quelqu’un que je connaissais un peu, et qui parlait franchement, et rien que ça, ça me rassurait.
LA RENCONTRE
Et puis de plus en plus, j’allais chez lui, on allait à la rivière avec mon chien.
C’était déjà le printemps, et puis un jour on s’est mis dos à dos juste pour se sentir. Il était chaud, mais il me faisait encore peur, je me sentais fragile à côté de lui.
J’étais allongé sur son lit… c’est la première fois entre nous, ça ne peut pas être parfait…
On a recouché ensemble souvent, il avait une copine fixe, et entre il avait eu plein d’autres histoires, j’étais une maitresse parmi tant d’autres.
Je suis tombé amoureuse de nos rencontres mensuelles, il partait trois semaines, revenait une.
J’aimais rester chez lui, dormir avec lui, coucher avec lui, j’aimais son odeur, son goût, sa barbe, son toucher, sa voix, j’aimais comme il a appris à me faire jouir, comme on a appris à jouir ensemble.
J’aimais rentrer dans son univers, dans son espace-temps.
J’avais retrouvé un boulot, j’étais en coloc, j’avais une vie, mais ma vie tournait autour de nos rencontres, et puis j’ai craquée.
Et là, j’aurais déjà dû partir.
Mais, je voulais le voir plus, qu’il m’appelle quand il n’était pas là, je voulais, j’exigeais, je ne voulais plus vivre son absence.
Ça a duré quasiment trois ans cette histoire.
L’AVORTEMENT DE L’HISTOIRE
Mon contrat s’est terminé, ma colocation bientôt.
C’était le grand soir, on attendait 150 personnes, jusqu’à 300, heureusement il y eu un tonnerre énorme, des trombes d’eau.
Il y eu deux salles, techno dans la première, et plus cool dans le chill out. Une rave à la maison. En tant qu’organisateur, c’était pas ça.
Pour que ça passe auprès des voisins, on a raconté qu’on se mariait.
Après cette nuit de 15h de son, on devait partir en vacances tous les deux, deux semaines, loin, rien que tous les deux.
On était vraiment ko, il m’a dit qu’il ne viendrait pas.
Je suis partie sans rien dire, et je l’ai quitté quand j’étais en Bretagne, il n’a pas compris. Moi j’ai compris qu’avec lui, je ne serais jamais rassurée.
Et puis ça devait être un peu notre lune de miel ...
Avortée
Depuis, je pense à lui.
Je l’ai revu une fois, un an après, cinq minutes, sur le quai d’une gare.
Je ne peux plus rencontrer quelqu’un. Ou alors, juste quelqu’un de bien, un homme célibataire, qui aime bien être avec moi, et sur qui je peux compter, quelqu’un de gentil, de doux et de rassurant, qui aime la simplicité, qui n’a pas des projets grandissimes illusoires.
En attendant, je me reconstruis, et je vis beaucoup mieux ma solitude.
Mais je pense encore à lui.
- Pourquoi ?
- Ça c’est une autre histoire.